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Citation

Convention (I) de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, 12 août 1949.

Commentaire de 2016

Article 18 - Rôle de la population
Texte de la disposition*
1) L’autorité militaire pourra faire appel au zèle charitable des habitants pour recueillir et soigner bénévolement, sous son contrôle, des blessés et des malades, en accordant aux personnes ayant répondu à cet appel la protection et les facilités nécessaires. Au cas où la partie adverse viendrait à prendre ou à reprendre le contrôle de la région, elle maintiendra à ces personnes cette protection et ces facilités.
2) L’autorité militaire doit autoriser les habitants et les sociétés de secours, même dans les régions envahies ou occupées, à recueillir et à soigner spontanément les blessés ou malades à quelque nationalité qu’ils appartiennent. La population civile doit respecter ces blessés et malades et notamment n’exercer contre eux aucun acte de violence.
3) Nul ne devra jamais être inquiété ou condamné pour le fait d’avoir donné des soins à des blessés ou à des malades.
4) Les dispositions du présent article ne dispensent pas la Puissance occupante des obligations qui lui incombent, dans le domaine sanitaire et moral, à l’égard des blessés et malades.
* Les numéros des alinéas ont été ajoutés pour faciliter la lecture.
Réserves ou déclarations
Aucune
Sommaire

A. Introduction
1718  En appelant les civils à venir en aide et à prendre soin des blessés et malades des forces armées, que ce soit en réponse à un appel d’un commandant militaire ou spontanément, l’article 18 renferme l’essence même de l’idée d’Henri Dunant. Depuis l’adoption de la Première Convention de Genève en 1864, la fourniture de soins médicaux par le personnel sanitaire dans les conflits armés est devenue plus sophistiquée et est désormais bien organisée, au point qu’une telle assistance civile peut sembler moins nécessaire. Parallèlement, la capacité des organisations locales à répondre de manière efficace aux besoins en situation d’urgence est de mieux en mieux reconnue[1]. Conformément à l’article 18, un commandant militaire peut donc toujours faire appel aux civils ou aux sociétés de secours pour aider à soigner le personnel militaire blessé ou malade.
1719  Le droit des habitants et des sociétés de secours présents sur le territoire, de porter assistance aux combattants blessés ou malades de leur propre chef fut réaffirmé en 1949 et étendu en 1977, par l’article 17 du Protocole additionnel I, au droit de prodiguer des soins aux blessés et malades civils. Une partie au conflit doit envisager ces possibilités lorsqu’elle prend « toutes les mesures possibles » pour rechercher et recueillir les blessés et malades et lorsqu’elle s’assure que ceux-ci reçoivent les soins médicaux appropriés à leur état[2]. Les deux possibilités consacrées par l’article 18 – demander de l’assistance aux civils et permettre aux civils et aux organisations civiles de fournir une aide spontanément – sont reprises dans certains manuels militaires et dans certains outils de formation des forces armées, souvent sans préciser si les personnes à soigner sont militaires ou civiles[3].
1720  Les civils ont l’obligation première de ne pas nuire aux blessés et malades. De ce fait, ceux qui fournissent les soins ne peuvent pas être inquiétés ou poursuivis pour avoir aidé des blessés et des malades. Dans les situations contemporaines, le principe consacré par l’article 18 est là pour rappeler aux autorités militaires ou aux parties au conflit que les civils seront souvent enclins à aider les survivants blessés d’une attaque et qu’ils ont le droit de le faire ; aussi, la présence de ces secouristes doit être prise en compte dans les attaques ultérieures.
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B. Contexte historique
1721  Le principe selon lequel aucun combattant blessé ou malade ne devrait être laissé sur le champ de bataille en raison d’un manque de personnel pour s’en occuper fut au cœur de la toute première Convention de Genève de 1864. L’article 5 de cette Convention permettait et encourageait la population locale à venir en aide aux combattants blessés et malades[4]. Ce principe a été maintenu, avec certaines modifications dans toutes les versions ultérieures des Conventions de Genève sur les blessés et malades[5], y compris dans le présent article, puis réaffirmée par l’article 17 du Protocole additionnel I.
1722  Cependant, rapidement, des questions furent soulevées quant à l’utilité, en termes d’efficacité et de risques, de ces travailleurs humanitaires et ces discussions faillirent aboutir à la suppression de cet article et même, selon certains, à l’effondrement du projet naissant de la Croix-Rouge[6]. L’article 5 de la Convention de 1864 instaura certaines protections et immunités pour les secouristes volontaires, dont on signala des abus lors de la guerre -franco-prussienne. On rapporte que certains individus auraient mis en place des ambulances et des hôpitaux factices afin de bénéficier de la protection de l’emblème et échapper à leurs obligations de cantonner des troupes ou de payer des impôts de guerre, alors que d’autres, arborant l’emblème sur leurs bras, pillaient les blessés sur le champ de bataille en prétextant qu’ils les recherchaient[7]. Dans le même temps, l’organisation, réussie en apparence, de l’aide aux blessés et aux malades sous contrôle militaire prussien, montra qu’une action militaire organisée conduisait à de meilleurs résultats – et à de meilleurs soins – qu’un appel à des civils, bien intentionnés mais mal formés, et à des organismes de bienfaisance insuffisamment équipés[8].
1723  Les délégués à la Conférence diplomatique de 1906 pensaient que le fait de supprimer complètement l’article, tel que cela avait été proposé compte tenu des dérives rapportées, n’enverrait pas un bon signal[9]. Aussi, ces préoccupations furent abordées dans les Conventions de 1906 et de 1929 en plaçant l’assistance apportée par des civils sous la surveillance et le contrôle militaires, et en limitant les immunités ou les récompenses accordées aux personnes répondant à un appel à l’aide[10]. De plus, de nouvelles dispositions réglementant l’usage de l’emblème furent instituées et une interdiction de mauvaise utilisation ou d’usage abusif d’emblème fut ajoutée[11]. Dans le même temps, l’assistance médicale fournie par les forces armées aux blessés et malades devint de plus en plus professionnelle, réduisant ainsi, de façon générale, la dépendance à l’assistance civile.
1724  L’expérience de la Seconde Guerre mondiale a renforcé l’utilité du principe consacré par l’article 5 de la Convention de 1929 sur les blessés et les malades. Elle a même montré que dans certains cas, ce principe n’a pas été bien respecté, comme en atteste le sort des équipages en détresse d’aéronefs qui avaient été abattus ou des parachutistes blessés qui avaient atterri en territoire ennemi. Deux éléments clés semblaient manquer : d’une part le fait que l’ennemi ou les autorités occupantes doivent aussi reconnaître la « neutralité » des civils aidant les blessés et les malades ; d’autre part le fait que les civils et les sociétés de secours devraient être autorisés à fournir des soins « spontanément » aux blessés et malades[12]. L’article 18 de la Première Convention de 1949 vient combler ces lacunes.
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C. Alinéa 1 : appel au zèle charitable des habitants
1725  Les parties au conflit ont une obligation de prendre « toutes les mesures possible » pour rechercher et recueillir les membres des forces armées blessés et malades et leur assurer les soins nécessaires[13]. Recourir à l’aide des habitants ou des organisations en capacité d’agir présentes sur le territoire, ou autoriser de telles organisations à accéder aux zones où les blessés et malades se trouvent, peut être un moyen précieux de remplir cette obligation.
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1. Réponse volontaire à un appel
1726  L’alinéa 1 de l’article 18 dispose que les autorités militaires qui n’ont pas l’équipement suffisant pour recueillir et soigner les membres des forces armées blessés ou malades, pourront faire appel au zèle charitable de la population civile locale[14]. Les habitants peuvent, en retour, choisir de répondre à cet appel. Les autorités militaires ne sont pas tenues de demander l’aide des habitants et, conformément au droit international, les habitants ne sont pas obligés de répondre à cet appel[15]. Toutefois, au nom d’un fort impératif moral, les autorités militaires peuvent choisir cette option lorsqu’elles ne sont pas en mesure d’offrir des soins aux blessés et malades. Quoi qu’il en soit, les civils ne sont pas tenus d’accepter une telle demande : le terme « bénévolement » fut introduit à l’article 18 afin d’« empêcher tout abus de la part de l’occupant », particulièrement de la part de la Puissance occupante[16].
1727  La possibilité de faire appel au zèle charitable fut maintenue dans l’article 17 du Protocole additionnel I et, en accord avec la portée générale du Protocole, fut étendue aux civils blessés et malades afin de les recueillir et de leur prodiguer des soins. Cette extension a comblé une lacune dans la protection des civils, étant donné que la Quatrième Convention ne contient pas d’article équivalent à l’article 18 de la Première Convention. L’article 17 du Protocole I étend aussi les activités pour lesquelles l’assistance de la population civile peut être demandée afin d’inclure la recherche des défunts et rendre compte du lieu où ils se trouvent[17]. Il est important de souligner que les rédacteurs du Protocole ont voulu veiller à maintenir le caractère bénévole de la disposition[18].
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2. Destinataires d’un appel à l’assistance
1728  Le premier alinéa fait référence aux « habitants », ce qui renvoie à la population d’un territoire occupé ou d’un territoire sur lequel le conflit armé se déroule, quelle que soit leur nationalité. En effet, il fait référence uniquement aux « habitants » sans faire mention des organisations ou des sociétés de secours auxquelles fait référence le second alinéa. Cependant, logiquement, un appel à la population locale englobe aussi les civils qui se sont organisés en société de secours. Pour les États parties au Protocole additionnel I, tout doute à cet égard fut levé par le paragraphe semblable de l’article 17 qui fait également expressément référence aux sociétés de secours[19].
1729  Il est nécessaire de préciser auprès de quels habitants cet appel peut être lancé. Il importe notamment de rappeler que ce groupe de personnes peut comprendre des professionnels de la santé qui n’ont pas été affectés à des tâches sanitaires spécifiques par une partie au conflit. Un appel à ces personnes n’aurait pas pour effet de les qualifier de personnel sanitaire permanent au sens de la Convention, ni en personnel sanitaire temporaire aux fins du Protocole additionnel I[20].
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3. Recueillir et soigner les blessés et les malades
1730  De nos jours, les personnes ont tendance à recueillir les blessés et les malades puis à les conduire vers une structure médicale plutôt qu’à les soigner chez eux. Cela étant, si les habitants accueillent des blessés ou des malades, ou si une société de secours leur prodigue des soins dans ses locaux, ces soins peuvent aller au-delà des premiers soins d’urgence. Le mot « soigner » couvre donc aussi toutes les mesures raisonnables propres à améliorer le sort des blessés ou malades, y compris la fourniture de nourriture, d’un abri, de vêtements, de couvertures et de produits d’hygiène[21]. Lors de la Conférence diplomatique, la formulation « recueillir et soigner » avait été préférée à l’expression « premiers secours » afin d’éviter que les soins fournis bénévolement ne soient limités[22].
1731  Recueillir des blessés ou des malades peut nécessiter qu’ils soient d’abord recherchés. À la suite d’une attaque ou d’une opération militaire, la présence et l’emplacement de blessés ou de morts peuvent ne pas être immédiatement visibles. Afin de pouvoir les recueillir et les soigner, les secouristes devront les rechercher. Le but de l’article 18, qui est de s’assurer que les blessés ou malades reçoivent à temps des soins pouvant leur sauver la vie, comprend nécessairement le fait de rechercher ces personnes[23].
1732  Tel qu’indiqué plus haut, l’article 17 du Protocole additionnel I ajoute une troisième tâche que la population civile peut être appelée à entreprendre, à condition comme toujours, que cette démarche soit volontaire : rechercher les morts et indiquer aux autorités le lieu où ils se trouvent. Il est important de souligner que les civils ne peuvent pas être sollicités pour recueillir les morts[24].
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4. Protection et facilités nécessaires
1733  Lorsqu’une partie fait appel aux habitants ou aux sociétés de secours pour aider à recueillir et à soigner les blessés et les malades, elle doit accorder la protection et les facilités sans lesquelles la tâche de la population ou des sociétés de secours serait trop difficile ou dangereuse. L’évaluation de ce qui est nécessaire incombe en premier lieu aux autorités compétentes de la partie au conflit qui a lancé l’appel, mais cette partie doit prendre en considération, autant que possible, les souhaits et opinions des personnes ou des sociétés de secours prêtes à répondre à cet appel. Une telle protection et de telles facilités dépendront essentiellement des circonstances, ce qui signifie que toutes les hypothèses ne peuvent pas être énumérées de façon exhaustive[25]. Par « facilités », on peut entendre des garanties quant à la plus grande liberté de mouvement possible nécessaire pour effectuer les tâches en question, des facilités pour transmettre des correspondances par tout moyen et des facilités pour envoyer des secours ou transférer des fonds. Toutefois, cela ne veut pas dire que la liberté de mouvement ne peut pas être limitée lorsque des opérations militaires empêchent réellement cet accès. Ces « facilités » peuvent inclure la fourniture de véhicules ou d’autres moyens de transport ainsi que la garantie de leur déploiement en toute sécurité. Des organisations recevant du matériel médical ou humanitaire provenant de l’extérieur du territoire devraient également être exemptées des frais de douanes et de transport[26].
1734  Le terme « protection » fait en partie référence aux conditions de sécurité nécessaires pour recueillir et soigner les blessés et les malades. La question de savoir quelles mesures sont nécessaires et appropriées pour assurer la sécurité des travailleurs humanitaires est une question complexe que la Convention n’aborde pas[27]. L’un des aspects de la protection consiste à s’assurer que ses propres forces savent qu’elles ne doivent pas attaquer les personnes ou des organisations conduisant des activités sanitaires ou humanitaires et qu’elles ne le font pas. Le terme « protection » peut aussi désigner, entre autres, la conclusion -d’accords locaux ou de cessez-le-feu avec l’ennemi pour permettre d’entreprendre des opérations sanitaires ou humanitaires[28]. Ce terme signifie aussi prévenir ou prendre des mesures pour empêcher, des attaques par d’autres. De plus, l’obligation d’accorder une protection renforce la disposition figurant à l’alinéa 3 de l’article 18, selon laquelle, « [n]ul ne devra jamais être inquiété ou condamné pour le fait d’avoir donné des soins à des blessés ou à des malades[29] ».
1735  Il est important de souligner que la protection qui peut être accordée dans ces cas n’est pas assortie du droit d’utiliser l’emblème de la croix rouge, du croissant rouge ou du cristal rouge. Cette restriction est justifiée car le risque d’abus est trop grand[30]. L’utilisation de l’emblème doit être limitée à des situations explicitement prévues par les Conventions et les Protocoles, sous le contrôle des autorités civiles ou militaires compétentes. Les personnes ou les organisations qui répondent à un appel d’assistance d’une autorité militaire ne peuvent donc pas arborer l’emblème sur des maisons ou des bâtiments dans lesquels les blessés et malades sont soignés, à moins qu’une partie au conflit ne désigne ces bâtiments comme des établissements sanitaires au sens de la Première ou de la Quatrième Convention[31].
1736  S’agissant des personnes arborant elles-mêmes l’emblème, la Première Convention ne prévoit aucun mécanisme permettant d’accroître le nombre de personnels sanitaires militaires par l’affectation de personnel sanitaire temporaire ; cependant, cette possibilité est offerte aux États parties au Protocole Additionnel I[32]. Ainsi, selon le Protocole I, les parties au conflit peuvent recourir à des personnels ou à des unités sanitaires temporaires et, dans ce cas, ces personnes et unités auraient le droit d’utiliser l’emblème. Cependant, de telles mesures impliquent un contrôle strict. Même pour les États qui sont parties au Protocole I, les personnes ayant répondu à un appel des autorités militaires ne peuvent pas être assimilées à du personnel sanitaire temporaire à moins qu’elles ne soient explicitement désignées et affectées comme tel.[33]. Il est important de rappeler que tous ceux qui exercent des activités sanitaires dans une zone de conflit armé ne sont pas qualifiés de « personnel sanitaire » au sens des Conventions et du Protocole.
1737  Enfin, l’alinéa 1 de l’article 18 dispose que si la partie adverse prend le contrôle d’une zone, elle doit offrir la même protection et les mêmes facilités aux habitants qui ont répondu à un appel d’assistance. Cette obligation fut ajoutée en 1949 car le silence de la Convention de 1929 sur ce point fut perçu comme une grave lacune ayant eu des effets préjudiciables sur les personnes qui avaient répondu à cet appel.
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5. Sous le contrôle des autorités militaires
1738  Les bénévoles qui répondent à un appel d’aide aux blessés et malades émanant d’une autorité militaire doivent le faire « sous son contrôle » (le texte authentique en anglais dit « under the direction »). Cette obligation fut introduite en réponse aux violences commises lors de la Guerre franco-prussienne et fut maintenue dans le texte des Conventions suivantes[34].
1739  La disposition indique clairement que si des habitants locaux ou des sociétés de secours viennent en aide aux blessés, ce sont les autorités militaires qui restent responsables de l’état de santé de ceux-ci et du traitement médical qui leur est dispensé. En particulier, lorsqu’il s’agit de blessés ennemis, les autorités étatiques doivent informer la Puissance d’origine de leur identité et de leur capture, et assurer leur protection conformément à la Troisième Convention relative au traitement des prisonniers de guerre[35]. Les militaires ennemis blessés qui sont soignés par des habitants locaux ou des sociétés de secours agissant en réponse à une requête des autorités militaires et sous le contrôle de celles-ci, doivent être considérés comme étant tombés aux mains de l’ennemi et traités comme des prisonniers de guerre[36].
1740  Les autorités militaires peuvent fixer la nature et l’étendue des mesures de contrôle qu’elles estiment nécessaires. En pratique, une fois que les éléments relatifs à l’identité des personnes ont été recueillis et transmis, ce contrôle peut consister à s’assurer que les blessés reçoivent des soins adéquats et qu’ils sont traités avec humanité, avec tout le respect auquel ils ont droit.
1741  Pour les États parties au Protocole additionnel I, il peut ne pas toujours être facile de tracer une ligne claire entre des mesures strictes de contrôle liées à un appel général à l’assistance lancé à la population et le fait d’assigner une mission de personnel sanitaire temporaire à ses propres ressortissants. Le personnel sanitaire temporaire devrait être clairement et explicitement affecté en tant que tel. À cet effet et pour ce qui est de l’utilisation de l’emblème par des personnes répondant à un appel, la partie au conflit qui est responsable de prévenir l’utilisation abusive de l’emblème protecteur doit conserver le pouvoir de décider qui a droit à la protection réservée au personnel sanitaire.
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D. Alinéa 2 : des civils et des sociétés de secours doivent être autorisés à recueillir et à soigner spontanément des blessés et des malades
1742  L’alinéa 2 de l’article 18 oblige les autorités à autoriser les actions de secours spontanées. Les habitants et les sociétés de secours ont le droit de venir en aide aux combattants blessés et malades, y compris les combattants ennemis[37]. Cette possibilité fut maintenue et confirmée par l’article 17 du Protocole additionnel I en ce qui concerne les blessés et malades civils. Les parties à un conflit ont l’obligation de prendre « toutes les mesures possibles » pour rechercher et recueillir les membres des forces armées blessés et malades et de les soigner[38].
1743  La deuxième phrase de l’alinéa 2 contient une mise en garde importante : les civils et les sociétés de secours qui viennent en aide aux blessés et malades ne doivent « exercer contre eux aucun acte de violence ». Cette obligation s’adresse aux civils et leur est directement applicable. Parallèlement, elle constitue une responsabilité importante pour les États, dans la mesure où les autorités demeurent obligées de protéger des membres des forces armées blessés et malades des tiers, y compris des civils qui prétendent être des secouristes mais qui les maltraitent ou qui leur nuisent. Les États ont une obligation de s’assurer que les blessés et malades sont traités avec humanité, qu’ils soient aux mains d’un agent de l’État ou de simples citoyens[39].
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1. Habitants et sociétés de secours
1744  La Première Convention précise qu’au-delà des habitants, les autorités doivent permettre aux sociétés de secours de soigner les blessés et les malades. Cette précision fut ajoutée en 1949 car le droit des sociétés de secours d’agir ainsi fut parfois contesté au cours de la Seconde Guerre mondiale[40]. Cependant, la Convention ne précise pas ce qui constitue une société de secours aux fins de cet article et il n’y eut aucune discussion sur ce point lors de la Conférence diplomatique de 1949[41]. On trouve certains indices permettant de dire que l’expression devrait être interprétée comme désignant des organisations locales comme des sociétés nationales de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, mais qu’elle ne serait pas limitée à celles-ci. En particulier, l’article 17 du Protocole additionnel I qui étend le principe aux civils blessés et malades sans modifier le sens de l’article 18 de la Première Convention, précise « telles que les Sociétés nationales de la Croix-Rouge (Croissant-Rouge, Lion-et-Soleil-Rouge) », suggérant que ces organisations sont incluses mais qu’elles n’ont pas un droit exclusif à cet égard. Lorsque l’article 17 fut adopté lors de la Conférence diplomatique de 1977, le Saint-Siège affirma qu’il s’était joint au consensus, « convaincu que la référence aux Sociétés nationales de la Croix-Rouge (du Croissant-Rouge, Lion-et-Soleil-Rouge) n’implique aucune limitation à l’initiative et à l’action des autres sociétés de secours (nous soulignons)[42] ».
1745  Un droit similaire est accordé aux « habitants », ce qui désigne des personnes se trouvant déjà à proximité des hostilités où sur des lieux où les blessés et malades ont besoin d’assistance. Logiquement, ce droit n’est pas limité aux sociétés de secours se trouvant à proximité immédiate des blessés et des malades, mais est applicable à celles présentes sur le territoire où se déroule le conflit. Il ne s’étend pas aux organisations internationales ou étrangères qui sont couvertes par d’autres dispositions[43]. En outre, l’article 18 dispose que les autorités militaires doivent autoriser les sociétés de secours à conduire leurs activités au bénéfice des blessés et des malades « même dans les régions envahies ou occupées[44] ».
1746  Lorsque des sociétés de secours viennent en aide spontanément aux blessés et malades, elles devraient adhérer aux principes humanitaires, en particulier au principe d’impartialité[45]. En particulier, pour les sociétés dispensant des soins médicaux, l’impartialité est conforme à la déontologie médicale ainsi qu’au principe selon lequel ceux dont les besoins sont les plus grands doivent être soignés en premier, quelle que soit la partie à laquelle ils appartiennent[46].
1747  Lorsque des civils aident spontanément des blessés et des malades, ils ne sont tenus à aucune obligation d’impartialité dans leurs opinions, mais ils sont soumis à cette obligation dans les actions qu’ils conduisent. En plus, ils doivent être « humanitaires ». Ainsi, à l’instar de toute personne délivrant des soins médicaux, ils ne devraient pas voir un -combattant blessé comme un ennemi, mais simplement comme un être humain qui a besoin de soins. Ceci est particulièrement souligné par la mise en garde introduite à l’alinéa 2 selon laquelle les civils ne doivent pas nuire aux blessés et aux malades.
1748  De nouveau, il convient d’insister sur le fait que les individus et les membres des sociétés de secours ne peuvent pas arborer l’emblème ni sur eux, ni sur leurs établissements, à moins qu’ils y aient été spécifiquement autorisés par les autorités compétentes.[47].
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2. Action spontanée des habitants et des sociétés de secours
1749  L’article 18 dispose que les habitants et les sociétés de secours peuvent agir « spontanément » pour recueillir et soigner les blessés et malades. Conjugué au premier alinéa qui permet que de telles actions soient entreprises en réponse à un appel, le terme « spontanément », figurant au deuxième alinéa, peut logiquement être compris comme signifiant que les habitants et les sociétés de secours peuvent aussi entreprendre de telles actions de leur propre initiative. Cette interprétation est encore étayée par les discussions auxquelles donnèrent lieu l’article 17 du Protocole additionnel I, lors de la Conférence diplomatique de 1977, lorsque le mot « spontanément » fut analysé en détail. En 1977, les délégués craignaient que le mot « spontanément » ne soit interprété strictement au point d’exclure les opérations de secours organisées[48]. Cependant, le compte-rendu de ces débats ne comporte aucune indication permettant d’affirmer que l’article 18 de la Première Convention a été interprété de cette façon[49]. Leurs craintes n’étaient donc pas suscitées par la manière dont l’article 18 avait été appliqué en pratique. Toutefois, afin de garantir que les opérations de secours organisées, en particulier celles menées par des sociétés de secours, ne seraient pas exclues du champ d’application de l’article 17 du Protocole additionnel I, les délégués à la Conférence diplomatique de 1977 préférèrent l’expression « de leur propre initiative » au terme « spontanément ». Ils voulaient s’assurer que toute société de secours qui était organisée ne serait pas empêchée d’apporter de l’aide au motif que son action n’est pas « spontanée », tout en préservant la liberté des individus d’apporter une aide de leur plein gré[50]. Ainsi, le terme « spontanément » figurant à l’article 18 de la Première Convention devrait être interprété comme ayant la même signification que l’expression « de leur propre initiative » figurant à l’article 17 du Protocole I.
1750  Le mot « spontanément » répond à un autre objectif important, qui est de rappeler aux parties au conflit que les habitants civils peuvent – et qu’ils le font souvent – se précipiter sur le lieu d’une attaque ou d’une explosion pour recueillir et soigner les blessés. Cependant, les attaques subséquentes, décrites comme « des explosions destinées à provoquer le plus grand nombre possible de morts et de blessés, y compris parmi ceux qui viennent en aide aux victimes d’une première explosion, sont devenues un phénomène inquiétant ces derniers temps [traduction CICR])[51] ». De telles attaques, qui sont connues comme visant directement les premiers intervenants, dissuadent les civils d’aller au secours des blessés et malades et ceci peut être contraire à l’esprit de la Convention en général et de l’article 18 en particulier. La reconnaissance formelle du droit des civils d’intervenir spontanément dans des zones affectées par les hostilités – et donc la probabilité qu’ils le fassent – doit également être prise en considération par les commandants qui conduisent une attaque, en particulier lorsqu’ils évaluent la licéité d’une attaque subséquente dirigée contre des combattants qui ne sont pas blessés ou contre un objectif militaire. De cette réponse dépendra l’évaluation des nécessaires mesures de précaution à prendre et des dommages incidents causés aux civils[52]. En envisageant ou en lançant ensuite d’autres attaques, les attaquants doivent prendre en compte la présence de tous les premiers intervenants, qu’il s’agisse du personnel sanitaire formé ou des habitants civils qui se trouvent là et ils doivent prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter de leur causer incidemment des dommages ou pour les réduire. Un attaquant devrait attendre que les premiers intervenants aient « recueill[i] et évacu[é] les blessés et malades de l’endroit d’une attaque antérieure[53] ».
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3. Recueillir et soigner les blessés et les malades
1751  Il convient d’ajouter à ce qui a déjà été dit à propos de la recherche et des soins aux blessés et malades que les rédacteurs de l’article 17, paragraphe 1 du Protocole additionnel I, préféraient le concept de « soins » spontanés qui est plus large que l’assistance sanitaire à proprement parler. Selon les rédacteurs, de tels soins peuvent aussi désigner des secours humanitaires immédiats, y inclus des vêtements ou de la nourriture[54]. Cette interprétation est conforme au but humanitaire de l’article 18.
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4. Relation avec les autorités militaires
1752  Contrairement au premier alinéa, le second alinéa de l’article 18 ne mentionne pas que les actions de secours spontanées sont soumises au contrôle des autorités militaires. Il ne s’agit pas d’un oubli, mais plutôt d’un choix délibéré de la Conférence diplomatique de 1949. L’historique de l’élaboration de cet alinéa révèle une importante position de principe.
1753  Lors des conférences préparatoires aux projets de conventions pour la Conférence diplomatique, les experts avaient estimé qu’il était nécessaire de concilier les exigences de bienfaisance et les exigences militaires et, après de longs débats, étaient convenus de proposer une disposition selon laquelle les habitants ne pourraient pas soustraire les blessés et les malades qu’ils avaient recueillis, au possible contrôle des autorités militaires[55]. Cette condition apparaît dans le projet qui fut discuté lors de la Conférence diplomatique de 1949 ; toutefois, la Conférence diplomatique insista pour que cette condition soit supprimée. Les délégués à la conférence refusèrent de conditionner l’autorisation accordée aux habitants d’offrir un secours spontané à l’accord des autorités militaires, ou à toute communication obligatoire d’informations sur les blessés et les malades[56]. À l’époque, les rédacteurs furent influencés par la crainte, issue de l’expérience de la Seconde Guerre mondiale, selon laquelle informer les autorités pourrait engendrer des conséquences néfastes pour les blessés et pour les secouristes. Un tel contrôle n’est cependant pas interdit, mais les rédacteurs ont estimé qu’« il ne convenait pas qu’une convention humanitaire en fit mention »[57]. Dans la pratique, il peut aussi s’avérer plus difficile pour les autorités d’exercer un contrôle sur les actions de secours spontanées que lorsqu’ils ont fait appel à l’aide.
1754  Il est important de rappeler que l’article 18 de la Première Convention peut s’appliquer aux professionnels de la santé. Le fait qu’une obligation de signaler les blessés et les malades de la partie adverse auxquels des soins sont apportés pourrait être contraire au principe du secret médical, fut souligné[58]. L’absence d’une règle spécifique dans les Conventions engendra donc des discussions sur la relation entre l’éthique médicale – et notamment les règles régissant le secret médical – et une possible obligation qui figurerait dans la législation nationale (ou instituée par les autorités occupantes) de signaler un blessé ou un malade aux autorités[59]. En effet, les législations nationales exigent souvent des personnels médicaux qu’ils signalent les personnes qui sont soignées pour certains types de blessures (par exemple des blessures par balle ou causées par un couteau), en cas d’enquête criminelle.
1755  La question du secret médical fut modifiée par le Protocole additionnel I. L’article 16, paragraphe 3 du Protocole dispose que :
Aucune personne exerçant une activité médicale ne doit être contrainte de donner à quiconque appartenant soit à une Partie adverse, soit à la même Partie qu’elle, sauf dans les cas prévus par la loi de cette dernière, des renseignements concernant les blessés et les malades qu’elle soigne ou qu’elle a soignés si elle estime que de tels renseignements peuvent porter préjudice à ceux-ci ou à leur famille. Les règlements régissant la notification obligatoire des maladies transmissibles doivent, néanmoins, être respectés[60].
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5. Respect des blessés et des malades par la population civile
1756  L’obligation selon laquelle « la population civile doit respecter ces blessés et malades et notamment n’exercer contre eux aucun acte de violence » est la seule disposition de la Première Convention qui s’adresse spécifiquement à la population civile. Les Conventions et les Protocoles comprennent évidemment plusieurs obligations relatives à la protection des civils, mais cet article est unique en ce qu’il fixe une norme explicite relative aux soins que les civils doivent eux-mêmes respecter dans leurs relations avec des personnes blessées ou malades[61]. Cette phrase réaffirme le principe fondamental énoncé à l’article 12 de la Première Convention et précise que les personnes civiles sont également tenues de respecter et de protéger les blessés et les malades. On retrouve cette même disposition dès la première phrase de l’article 17 du Protocole additionnel I.
1757  L’existence de cette obligation, associée au droit des habitants de recueillir et de soigner les personnes blessées et les malades, souligne l’importance de la diffusion du droit inter-national humanitaire, notamment au sein du grand public, afin de promouvoir le respect de cette règle et des Conventions de Genève de façon plus générale[62]. À cet égard, il convient de rappeler que l’homicide intentionnel, la torture, le traitement inhumain et le fait de causer intentionnellement des souffrances et des blessures graves, physiques ou psychiques, aux blessés et aux malades constituent des infractions graves à la Convention, y compris lorsqu’elles sont commises par des civils[63]. Dans tous les cas, le fait de commettre des actes de violence contre une personne invalide, même si celle-ci est associée aux forces armées de l’État ennemi, est si profondément inhumain que l’interdiction prévue à l’article 18 devrait être une évidence, même s’il est nécessaire de la réitérer.
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E. Alinéa 3 : aucune sanction pour avoir donné des soins à des blessés et des malades
1758  L’alinéa 3 dispose que « nul ne devra jamais être inquiété ou condamné pour le fait d’avoir donné des soins à des blessés ou à des malades ». Cette disposition fut introduite à -l’article 18 compte tenu de la pratique de certains États, lors de la Seconde Guerre mondiale, consistant à exécuter des médecins et d’autres personnes pour avoir donné des soins à des ennemis blessés, notamment des résistants dans les territoires occupés[64]. Le fait de soigner les blessés et les malades ne doit en aucune circonstance être considéré comme une infraction[65]. Le droit de ne pas être inquiété, persécuté ou condamné pour avoir exercé le droit énoncé à l’alinéa précédent est crucial pour protéger ceux qui soignent les blessés et les malades. Ce droit est conforme à l’objectif et au but général de la Convention : afin de protéger les blessés et les malades, ceux qui les recueillent et les soignent, y compris des volontaires civils et des sociétés de secours, doivent également être respectés et protégés. En effet, l’objectif de la disposition est d’empêcher toute forme de répression ou des représailles pour de telles activités, par le biais de mécanismes judiciaires ou autres.
1759  Le terme « inquiété » est large. Même si de nos jours, le terme utilisé dans la version anglaise de la Première Convention, « molested », évoque un abus sexuel, dans le cadre de la Convention il signifie plus généralement « harceler de façon hostile ». Le mot « inquiété » utilisé dans la version française signifie « troubler par des attaques, des démonstrations hostiles[66] ». Cette disposition interdit donc toute forme d’intimidation et évite que des procédures pénales ou administratives soient engagées contre une personne pour le seul fait d’avoir donné des soins à des blessés et des malades. La disposition interdit également toute forme de répression extrajudiciaire. Elle interdit toute mesure administrative (notamment une mesure disciplinaire), ou toute forme de préjudice, de menace ou d’intimidation. De toute évidence, comme il interdit toute intimidation à ce stade, il interdit également toute forme de mauvais traitement ou d’atteinte à la vie, tels que proscrits par le droit international. Dans le même contexte, l’article 17, paragraphe 1 du Protocole additionnel I utilise les termes « inquiété, poursuivi […] ou puni ». Ces termes furent ajoutés par souci d’exhaustivité, mais de tels actes sont englobés sous le vocable « inquiété ». Les termes spécifiques de l’article 17 du Protocole I sont considérés comme des exemples supplémentaires de comportements qui constituent le fait d’ « inquiéter » des soignants, mais le terme « poursuivre » fait spécifiquement référence au juge d’instruction et au procureur qui ne devrait pas déférer une telle affaire devant un tribunal, alors que le mot « inquiéter » peut renvoyer au stade de l’enquête, laquelle ne devrait pas être déclenchée pour ce seul motif. Le mot « inquiéter » peut aussi inclure le fait de retenir inutilement ces personnes à des postes de contrôle (des « checkpoints ») ou de les arrêter au seul motif qu’ils recueillent et/ou soignent les blessés et les malades. Des actions telles que la confiscation des dossiers médicaux, en violation des protections offertes par le droit humanitaire contre la divulgation de renseignements médicaux aux autorités, et la perturbation du fonctionnement des installations sanitaires, sont également des formes interdites d’intimidation. Alors que le fait d’entrer armé dans un établissement de santé dans le but de détenir ou d’interroger des personnes présentes sur place n’est pas interdit en soi, cette irruption devant s’effectuer de telle manière que les blessés et les malades continuent de recevoir des soins médicaux appropriés. En somme, cela englobe toutes les actions visant à dissuader ou empêcher la prestation de soins aux blessés et aux malades, par crainte des représailles[67].
1760  Enfin, un tribunal devrait acquitter toute personne qui lui est présentée pour avoir donné des soins à des blessés et des malades lorsque l’accusé a agi conformément au droit international humanitaire et à la déontologie médicale.
1761  De plus, bien que ceci figure à l’article 18 à l’égard de la population civile, l’interdiction s’applique de manière générale à toute personne qui soigne des blessés et des malades. Pour les États parties au Protocole additionnel I, ceci est précisé par le paragraphe 1 de l’article 16 du Protocole, qui prévoit que « [n]ul ne sera puni pour avoir exercé une activité de caractère médical conforme à la déontologie, quels qu’aient été les circonstances ou les bénéficiaires de cette activité ».
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F. Alinéa 4 : continuité dans les responsabilités de la puissance occupante
1762  Le dernier alinéa de l’article 18 dispose que la Puissance occupante n’est pas dispensée de ses obligations de soigner les blessés et les malades même si elle compte sur les populations locales et les sociétés de secours. Elle continue à assumer l’entière responsabilité du sort des blessés et des malades. Il appartient à la Puissance occupante de veiller à ce que leur traitement soit pleinement conforme aux Conventions et de fournir les moyens nécessaires à cette fin. D’ailleurs, il en va de même lorsqu’il s’agit d’employer du personnel médical et religieux retenu au profit des prisonniers de guerre[68].
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Bibliographie choisie
Breitegger, Alexander, « Le cadre juridique applicable à l’insécurité et à la violence touchant les soins de santé dans les conflits armés et autres situations d’urgence », Revue internationale de la Croix-Rouge, n° 889, vol. 95, Sélection française, 2013/1 et 2, pp. 43-91.
Hutchinson, John F., Champions of Charity: War and the Rise of the Red Cross, Westview Press, Boulder, Colorado, 1996.
1 - L’efficacité des organisations locales dans la gestion des besoins engendrés par les catastrophes naturelles et les situations de conflit armé a été reconnue dans de nombreux rapports. Voir par exemple Tsunami Evaluation Coalition, Joint evaluation of the international response to the Indian Ocean tsunami: Synthesis Report, juillet 2006, pp. 91-92 et 110-111 ; Royaume-Uni (Lord Ashdown), Humanitarian Emergency Response Review, juillet 2011, pp. 33-34.
2 - Première Convention, articles 12 et 15.
3 - Voir par exemple, Allemagne, Manuel militaire, 1992, par. 632 ; Argentine, Manuel du droit de la guerre, 1969, par. 3.006 ; Cameroun, Manuel de l’instructeur, 1992, p. 96 et Manuel de l’instructeur, 2006, p. 81, par. 401 ; Canada, Le droit des conflits armés aux niveaux opérationnel et tactique, 2001, par. 906.1 ; Fédération de Russie, Manuel militaire, 1990, par. 15 ; Kenya, Manuel du droit des conflits armés, 1997, Précis n° 3, p. 11 ; Nouvelle-Zélande, Manuel militaire, 1992, par. 1003, al. 4) ; Royaume-Uni, Manuel militaire, 1958, par. 345 et Manual of the Law of Armed Conflict, 2004, par. 7.38.1 ; Suisse, Manuel militaire de base, 1987, article 75 et Turquie, Manuel du droit des conflits armés, 2001, p. 70. Dans leur Law of War Deskbook, 2012, p. 47, les États-Unis mettent en garde contre le fait de traiter, en pratique, les civils blessés et malades différemment des combattants blessés et malades, bien qu’ils ne considèrent pas cela comme une obligation juridique, n’étant pas partie au Protocole additionnel I. Le manuel réitère aussi la participation volontaire de la population dans les efforts de secours.
4 - Convention de Genève (1864) article 5 : Les habitants du pays qui porteront secours aux blessés seront respectés et demeureront libres. Les généraux des Puissances belligérantes auront pour mission de prévenir les habitants de l’appel fait à leur humanité, et de la neutralité qui en sera la conséquence. Tout blessé recueilli et soigné dans une maison y servira de sauvegarde. L’habitant qui aura recueilli chez lui des blessés sera dispensé du logement des troupes, ainsi que d’une partie des contributions de guerre qui seraient imposées.
5 - Convention de Genève (1906), article 5 ; Convention de Genève sur les blessés et malades (1929), article 5.
6 - Hutchinson, pp. 126-133. Voir aussi Charles Sperry, « The Revision of the Geneva Convention, 1906 », Proceedings of the American Political Science Association, vol. 3, 1907, p. 37. Les documents préparatoires de la Conférence diplomatique de 1906 destinée à réviser la Convention de 1864 recommandèrent que l’article 5 soit supprimé et une motion dans ce sens fut présentée lors de cette conférence. Actes de la Conférence diplomatique de Genève de 1906, pp. 17 et 161.
7 - Hutchinson, pp. 109-117.
8 - Ibid. pp. 117–138. D’autres commentateurs ont soutenu que les changements dans les méthodes de combat -rendaient improbable que des civils puissent être en position d’entreprendre de telles tâches. Voir Auguste-Raynald Werner, La Croix-Rouge et les conventions de Genève : Analyse et synthèse juridiques, Geneva, Georg & Cie, 1943, pp. 194-195.
9 - Voir aussi Actes de la Conférence diplomatique de Genève de 1906, pp. 182-184 et 198-200.
10 - Convention de Genève (1906), article 5 ; Convention de Genève sur les blessés et malades (1929), article 5. Voir aussi Actes de la Conférence diplomatique de Genève de 1906, pp. 182-184 et 198-200.
11 - Voir Convention de Genève (1906), articles 18-23 et Convention de Genève sur les blessés et malades (1929), articles 19-24.
12 - Ces éléments ressortent des déclarations prononcées lors des réunions d’experts qui se sont tenues pour préparer les nouvelles conventions en vue de la Conférence diplomatique, bien qu’aucun détail ne fut fourni. Rapport sur les travaux de la Conférence préliminaire des Sociétés nationales de 1946, pp. 29-30 et Rapport sur les travaux de la Conférence d’experts gouvernementaux de 1947, pp. 20-23.
13 - Première Convention, articles 15 et 12. Voir aussi Protocole additionnel I, article 10.
14 - À l’article 17 du Protocole additionnel I, les termes « Parties au conflit », pour désigner ceux qui peuvent faire de tels appels, furent choisis afin d’englober tant des civils que des autorités militaires. Voir Sandoz, Swinarski et Zimmermann (dir.), Commentaire des Protocoles additionnels, CICR, 1986, par. 720.
15 - Bien qu’ayant conclu que les soins médicaux prodigués aux prisonniers de guerre blessés juste après la capture ne furent pas appropriés, ni par une partie, ni par l’autre, lors du conflit entre l’Éthiopie et l’Érythrée de 1998 à 2000 (mais pas au point de constituer une violation de la Convention), la Commission des réclamations ne semble pas avoir cherché à déterminer si les commandants avaient cherché à remédier aux manquements en demandant de l’aide à la population locale. Commission des réclamations entre l’Érythrée et l’Éthiopie, Prisonniers de guerre, Réclamation de l’Éthiopie, sentence partielle, 2003, par. 69-70 ; Prisonniers de guerre, Réclamation de l’Érythrée, sentence partielle, 2003, par. 64-65.
16 - Actes de la Conférence diplomatique de Genève de 1949, tome II-A, p. 139. À ibid. p. 186, le Comité de rédaction affirme qu’ « [o]n a surtout voulu envisager le cas d’un pays occupé et éviter que, sous le masque d’un appel au zèle charitable, l’autorité occupante n’exerce une pression de fait sur la population pour l’amener, même contre son gré, à donner des soins prolongés à des blessés, se déchargeant ainsi elle-même d’une de ses obligations essentielles ». Les belligérants et les Puissances occupantes peuvent contraindre les personnes protégées à effectuer certains types de travaux pour lesquels ils doivent être récompensés (Quatrième Convention, articles 40 et 51). Ils ne peuvent pas contraindre de telles personnes à prendre part à des opérations militaires. Le fait que les civils ne puissent pas être contraints à répondre à un appel d’aide aux blessés et malades ne veut pas dire que recueillir et soigner les blessés et les malades impliquent le fait de participer aux opérations militaires ; au contraire, le travail forcé doit être récompensé, tandis que l’article 18 permet un appel au « zèle charitable », ce qui implique qu’il n’est pas nécessaire d’offrir une compensation en échange de tels actes.
17 - Protocole additionnel I, article 17, par. 2.
18 - Actes de la conférence diplomatique de Genève de 1974-1977, vol. XI, pp. 248-250.
19 - De plus, rien dans les travaux préparatoires de la Première Convention n’indique que les rédacteurs voulaient exclure la possibilité pour les autorités militaires de demander l’assistance des agences d’aides ou des sociétés de secours locales. Pour les débats concernant l’article 18, voir Actes de la Conférence diplomatique de Genève de 1949, tome II-A, pp. 47 et 50-51 et tome III, p. 35, amendements 30 et 31 à la Convention sur les blessés et malades.
20 - Première Convention, article 24 ; Protocole additionnel I, article 8, al. k). Voir aussi l’analyse du « contrôle », section C.5.
21 - Voir aussi l’article 12 et son commentaire, par. 1387.
22 - Actes de la Conférence diplomatique de Genève de 1949, tome II-A, pp. 50 et 139.
23 - Voir aussi l’article 15 et son commentaire, par. 1483-1484.
24 - Recueillir les morts fut considéré comme une tâche trop pénible pour les habitants : voir Actes de la conférence diplomatique de Genève de 1974-1977, vol. XI, p. 508. La délégation du Royaume-Uni « considèr[a] qu’il n’est pas juste d’attendre des populations civiles et des sociétés de secours qu’elles relèvent les morts, sauf éventuellement s’il s’agit des morts se trouvant sur la mer ».
25 - L’article 5 de la Convention de 1906 employait le terme « immunités » au lieu de « facilités ». Il y eut quelques discussions sur la définition du mot « immunités » et sur le point de savoir s’il incluait une dispense à l’obligation de loger des troupes. Voir Des Gouttes, Commentaire de la Convention de Genève de 1929 sur les blessés et malades, CICR, 1930, pp. 37-38.
26 - Voir par exemple Troisième Convention, article 74, al. 1 ; Quatrième Convention, article 61, al. 3 ; et Protocole additionnel I, article 70, par. 2.
27 - Voir Kate Mackintosh, « Beyond the Red Cross: the protection of independent humanitarian organizations and their staff in international humanitarian law », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 89, n° 865, mars 2007, pp. 113-130 ; Abby Stoddard, Adele Harmer et Katherine Haver, Aid Worker Security Report 2011, Spotlight on security for national aid workers: Issues and perspectives, Humanitarian Outcomes, 2011. Il faut cependant noter que l’article 71, par. 2 du Protocole additionnel I dispose que « le personnel [participant aux actions de secours] sera respecté et protégé ».
28 - Voir Première Convention, article 15. De plus, il devrait être rappelé que « [l]e fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu’ils aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil » est un crime de guerre en vertu de l’article, 8, par. 2), al. b) iii) du Statut de la CPI de 1998.
29 - Voir la section E.
30 - Voir la section B pour des premiers exemples d’abus de l’emblème en lien avec cet article. Cependant, certaines sociétés de secours, en particulier les sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ont le droit d’utiliser ou d’arborer l’emblème sur un fondement juridique différent. Pour plus de précisions, voir l’article 44 et son commentaire, section D. Voir aussi le régime particulier de l’article 26 de la Première Convention.
31 - Première Convention, article 21 ; Quatrième Convention, article 18. Ou, si le Protocole additionnel I s’applique, l’article 18 du Protocole.
32 - Protocole additionnel I, article 8. La Première Convention permet cependant d’accroître le nombre de personnels sanitaires dans certaines situations en recourant à des personnels sanitaires auxiliaires (article 25) ou aux services sanitaires des sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (articles 26 et 27).
33 - Protocole additionnel I, article 8, al. k). Il importe cependant de souligner que les règles sur l’usage de l’emblème n’interdisent pas d’autres organisations humanitaires d’utiliser leurs propres signes, drapeaux, vêtements avec leur propre logo les identifiant, tant que ces objets ne porteront pas à confusion avec l’emblème de la croix rouge, du croissant rouge ou du cristal rouge. Voir en particulier l’article 53 de la Première Convention et son commentaire, section D.
34 - La disposition selon laquelle l’action de recueillir et soigner les blessés et les malades par les habitants était placée sous le contrôle des autorités militaires fut ajoutée à l’article 5 de la Convention de 1906.
35 - Pictet (dir.), Commentaire de la Ire Convention de Genève de 1949, Genève, CICR, 1952, pp. 206-207. Sur le besoin d’enregistrer et de transmettre l’information, voir l’article 16 et son commentaire. L’article 14 de la Première Convention dispose que les blessés ou malades qui tombent aux mains de l’ennemi sont des prisonniers de guerre ; l’article 12 de la Troisième Convention dispose que « les prisonniers de guerre sont au pouvoir de la Puissance ennemie, mais non des individus ou des corps de troupe qui les ont faits prisonniers ».
36 - Voir le commentaire de l’article 4 de la Troisième Convention.
37 - Actes de la Conférence diplomatique de Genève de 1949, tome II-A, p. 51.
38 - Première Convention, articles 15 et 12. Voir aussi Protocole additionnel I, article 10.
39 - Voir Première Convention, article 12.
40 - Pictet (dir.), Commentaire de la Ire Convention de Genève de 1949, Genève, CICR, 1952, p. 210.
41 - La possibilité pour les sociétés de secours d’agir spontanément de cette manière fut suggérée lors de la Conférence d’experts gouvernementaux. Pictet (dir.), Commentaire de la Ire Convention de Genève de 1949, Genève, CICR, 1952, p. 210.
42 - Actes de la conférence diplomatique de Genève de 1974-1977, vol. VI, p. 81.
43 - En particulier, article 9 commun (article 10 de la Quatrième Convention) et article 81 du Protocole additionnel I. Pour les conflits armés non internationaux, voir article 3 commun, alinéa 2 et Protocole additionnel II, article 18, par. 2.
44 - Pour une définition de l’occupation, voir le commentaire de l’article 2 commun, section E.
45 - Pour plus de détails sur les principes humanitaires, y compris le principe d’impartialité, voir le commentaire de l’article 9.
46 - Voir l’article 12 et son commentaire, section G.
47 - L’article 18 de la Quatrième Convention dispose que les autorités compétentes (qui peuvent être militaires ou civiles) peuvent reconnaître et autoriser les hôpitaux à utiliser l’emblème. Voir aussi l’article 18 du Protocole additionnel I.
48 - Actes de la conférence diplomatique de Genève de 1974-1977, vol. XI, pp. 243-251.
49 - Ibid.
50 - Ibid.
51 - CICR, Les soins de santé en danger, janvier à décembre 2012, CICR, Genève, 2013, p. 9 ; Les soins de santé en danger, janvier 2012 à décembre 2013, CICR, Genève, 2014, p. 13.
52 - Protocole additionnel I, article 57, par. 2., al. a) iii).
53 - Breitegger, p. 72.
54 - Voir aussi par. 1730. Voir aussi Actes de la conférence diplomatique de Genève de 1974-1977, vol. XI, pp. 284-290. Cette interprétation fut défendue par les délégués du Saint-Siège et soutenue par la délégation Suisse ; elle ne rencontra aucune opposition.
55 - Rapport sur les travaux de la Conférence préliminaire des Sociétés nationales de la Croix-Rouge de 1946, pp. 26-27 ; Rapport sur les travaux de la Conférence d’experts gouvernementaux de 1947, pp. 20-23. Cette proposition fut déjà l’objet de controverses lors de la Conférence d’experts gouvernementaux de 1947. Le passage concerné de l’article soumis par la Conférence de Stockholm de 1948, disposait : « L’autorité militaire doit autoriser les habitants et les sociétés de secours, même dans les régions envahies ou occupées, à recueillir spontanément, pour leur assurer les premiers secours, les militaires blessés ou malades à quelque nationalité qu’ils appartiennent, à condition de ne pas les soustraire au contrôle éventuel de l’autorité nationale ou occupante. » Projets de Conventions approuvés par la Conférence de Stockholm de 1948, pp. 14-15.
56 - Actes de la Conférence diplomatique de Genève de 1949, tome II-A pp. 50-51. Le rapport indique que le représentant du Royaume-Uni observa que « d’après le deuxième alinéa, la population civile est tenue de remettre les militaires blessés entre les mains de l’ennemi occupant son territoire, et cela en vertu d’un Convention humanitaire ! » Le rapport ajoute : « La délégation du Royaume-Uni demande que cette obligation soit supprimée. »
57 - Ibid. pp. 51-52 et 143 ; commentaires du Rapporteur de la première commission de la Conférence diplomatique, ibid, p. 186. Voir aussi Protocole additionnel I, article 16 par. 3.
58 - International Law Association, International Medical Law, Conference Report (Buenos Aires), 1968, vol. 53, pp. 539‑588, notamment aux pp. 542-549 et 558-573.
59 - Ibid.
60 - Voir le commentaire de l’article 16 du Protocole additionnel I pour une analyse du contenu de cette disposition.
61 - Toutefois, il convient de rappeler que, depuis les procès qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, le fait que des civils, plus généralement, puissent aussi être des auteurs de crimes de guerre a été reconnu. Voir, notamment, France, Tribunal militaire permanent de Metz, affaire Bommer, jugement, 1947, pp. 65-66. À propos des auteurs présumés, voir Knut Dörmann, Elements of War Crimes under the Rome Statute, Cambridge University Press, 2003, pp. 34-37. Voir aussi le commentaire de l’article 50, section C.3.
62 - Voir le commentaire de l’article 47.
63 - Voir article 50 et son commentaire.
64 - Voir François Bugnion, Le Comité international de la Croix-Rouge et la protection des victimes de la guerre, CICR/Macmillan, Oxford, 2000, pp. 546-547.
65 - Les États peuvent avoir une législation qui interdit l’exercice certains actes médicaux par des personnes qui ne sont pas médecins ou professionnels de la santé, mais qui, toutefois, prévoit une exception pour fournir des soins médicaux d’urgence sous certaines conditions. Certains États ont également des lois de « bon samaritain » qui peuvent être pertinentes dans ces circonstances. Par exemple, de telles lois peuvent exiger que les personnes viennent en aide aux personnes en détresse, ou elles peuvent prévoir que les secouristes qui administrent volontairement et de bonne foi les premiers secours à une personne en ayant besoin ne soient pas responsables des manquements dans les soins dispensés, à moins d’être en présence d’une négligence caractérisée.
66 - Le Petit Robert, nouvelle édition millésime 2016, Robert, 2016, p. 1337.
67 - Les menaces contre le personnel de santé ont souvent des effets négatifs sur la fourniture des soins de santé ; voir CICR, Health Care in Danger: A Sixteen-Country Study, CICR, Genève, 2011, p. 10.
68 - Voir article 28, al. 4.
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