Règle 140. L’obligation de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire subsiste même en l’absence de réciprocité.Volume II, chapitre 40, section B.
Selon la pratique des États, cette règle constitue une norme de droit international coutumier applicable dans les conflits armés tant internationaux que non internationaux. Il convient de faire la distinction entre cette règle et la notion de représailles, qui est traitée au chapitre 41.
Les Conventions de Genève soulignent, dans leur article premier commun, que les Hautes Parties contractantes s’engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention «en toutes circonstances»
[1]. Les règles de l’article 3 commun doivent elles aussi être respectées «en toutes circonstances»
[2]. La Convention de Vienne sur le droit des traités reconnaît, en termes généraux, que le respect des dispositions des traités «de caractère humanitaire» ne peut dépendre de leur respect par d’autres États parties
[3].
La règle qui exige que le droit international humanitaire soit respecté même si l’adversaire ne le respecte pas est inscrite dans de nombreux manuels militaires, dont certains sont applicables dans les conflits armés non internationaux
[4]. Bien que certains manuels militaires expliquent que le fait de respecter le droit présente une utilité pratique en encourageant l’adversaire à faire de même, ils ne laissent pas entendre par là que la réciprocité est une condition au respect du droit
[5]. La Cour spéciale de cassation des Pays-Bas, dans l’affaire
Rauter en 1948, ainsi que le Tribunal militaire des États-Unis à Nuremberg, dans l’affaire
von Leeb (affaire du haut commandement) en 1947-1948, ont rejeté l’argument des prévenus selon lequel ils auraient été libérés de leur obligation de respecter le droit international humanitaire parce que leur adversaire l’avait lui-même violé
[6]. Cette règle est aussi étayée par des déclarations officielles
[7].
La Cour internationale de justice, dans l’affaire de la
Namibie en 1971, ainsi que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, dans son examen de l’acte d’accusation dans l’affaire
Martić en 1996 et dans son jugement dans l’affaire
Kupreškić en 2000, ont affirmé, comme un principe général de droit, que les obligations juridiques de nature humanitaire ne pouvaient pas dépendre de la réciprocité
[8]. Ces déclarations et le contexte dans lequel elles ont été formulées montrent sans ambiguïté possible que ce principe est valable pour toute obligation de nature humanitaire, dans des conflits armés internationaux ou non internationaux.