Règle 73. Il est interdit d’employer des armes biologiques.Volume II, chapitre 23.
Selon la pratique des États, cette règle constitue une norme de droit international coutumier applicable dans les conflits armés tant internationaux que non internationaux. Cette règle s’applique aux armes biologiques conçues pour frapper les êtres humains. La question de savoir si elle doit être appliquée aux herbicides est abordée dans le commentaire de la règle 76.
L’interdiction de l’emploi des armes biologiques dans les conflits armés internationaux est fondée sur le Protocole de Genève concernant les gaz et sur la Convention sur les armes biologiques
[1]. Lors de leur adhésion au Protocole de Genève concernant les gaz, 37 États ont formulé une réserve stipulant qu’ils entendaient conserver le droit de riposter au cas où une partie adverse (et, dans certains cas, un allié d’une partie adverse) enfreindrait les dispositions du Protocole. Dix-sept de ces réserves de «non-emploi en premier» ayant été retirées par la suite
[2], il n’en reste plus que 20
[3]. Or, sur ces 20 États ayant maintenu leur réserve, on compte 18 États parties à la Convention sur les armes biologiques, laquelle interdit toute possession d’armes biologiques. Ces pays ne seraient donc pas en droit de riposter en employant de telles armes
[4]. De ce fait, à l’heure actuelle, les seuls États qui ont maintenu leur réserve de «non-emploi en premier» au Protocole de Genève concernant les gaz et qui ne sont pas parties à la Convention sur les armes biologiques sont l’Angola et Israël.
La campagne menée au cours des trois dernières décennies pour éliminer les armes biologiques permet de conclure que les États considèrent que ces armes ne devraient pas exister, et par conséquent ne devraient être utilisées en aucune circonstance, y compris dans les conflits armés non internationaux.
Presque toutes les allégations de possession de telles armes par des États ont fait l’objet de dénégations. Lorsque la Russie a reconnu, en 1992, qu’elle disposait toujours d’un programme d’armement biologique, elle a déclaré qu’elle s’apprêtait à y mettre un terme. Depuis, elle a toujours vigoureusement nié toutes les allégations selon lesquelles elle continuait à fabriquer des armes biologiques
[5]. Les rapports sur les programmes irakiens d’armes biologiques ont suscité la condamnation de la communauté internationale
[6]. Les déclarations et d’autres types de pratique d’États — parties ou non à la Convention sur les armes biologiques — indiquent que l’interdiction de l’emploi des armes biologiques en toute circonstance n’est pas uniquement conventionnel
[7].
Il existe une pratique abondante, sous forme de manuels militaires et de législation, qui démontre que l’emploi d’armes biologiques est interdit, et ce, que l’État concerné soit ou non partie à la Convention sur les armes biologiques, et qu’il ait ou non formulé une réserve de «non-emploi en premier» au Protocole de Genève concernant les gaz
[8]. Le manuel des forces navales des États-Unis dispose que l’interdiction des armes biologiques relève du droit coutumier et lie tous les États, qu’ils soient ou non parties au Protocole de Genève concernant les gaz ou à la Convention sur les armes biologiques
[9]. Trois États qui ne sont pas parties à la Convention sur les armes biologiques ont défini comme une infraction pénale la production, l’acquisition, la vente ou l’emploi d’armes biologiques
[10]. Il existe aussi de la jurisprudence nationale qui permet de conclure à l’interdiction des armes chimiques, y compris dans les conflits armés non internationaux
[11].
L’interdiction de l’emploi des armes biologiques est aussi étayé par un certain nombre de déclarations officielles.Ainsi, en janvier 1991, les États-Unis et le Royaume-Uni ont informé l’Irak qu’ils attendaient de lui qu’il s’abstienne d’employer des armes biologiques, bien qu’à l’époque l’Irak eût une réserve de «non-emploi en premier» au Protocole de Genève concernant les gaz et ne fût pas encore partie à la Convention sur les armes biologiques
[12]. En 2001, les États-Unis ont accusé la Syrie de violer les dispositions de la Convention sur les armes biologiques, bien que la Syrie ne fût pas partie à ce traité
[13]. Dans ses conclusions présentées à la Cour internationale de Justice dans l’affaire des
Armes nucléaires, l’Australie a déclaré que l’emploi d’armes biologiques serait contraire aux «principes généraux fondamentaux de l’humanité»
[14].
Plusieurs résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies ont incité les États à adhérer au Protocole de Genève concernant les gaz ou à la Convention sur les armes biologiques et appelé au strict respect par tous les États des principes et des objectifs contenus dans ces textes
[15].
En 1990 et en 1991, le CICR a rappelé à toutes les parties à la guerre du Golfe que l’emploi d’armes biologiques était interdit par le droit international humanitaire
[16].En 1994, il a rappelé cette interdiction dans le contexte du conflit en Angola, bien que ce pays eût une réserve de «non-emploi en premier» au Protocole de Genève concernant les gaz et ne fût pas partie à la Convention sur les armes biologiques
[17]. Dans aucun de ces cas les déclarations du CICR n’ont donné lieu à contestation.
La pratique est conforme à l’applicabilité de cette règle aux conflits armés tant internationaux que non internationaux, étant donné que les États ne sont généralement pas dotés d’une panoplie d’armes différente pour les conflits armés internationaux et non internationaux. Toutes les allégations d’emploi d’armes biologiques par des États ont fait l’objet de dénégations, et dans la plupart des cas leur fausseté a été démontrée
[18].