Règle 100. Nul ne peut être condamné ou jugé, si ce n’est en vertu d’un procès équitable accordant toutes les garanties judiciaires essentielles.Volume II, chapitre 32, section M.
Selon la pratique des États, cette règle constitue une norme de droit international coutumier applicable dans les conflits armés tant internationaux que non internationaux.
Plusieurs procès qui se sont déroulés après la Seconde Guerre mondiale mais avant l’adoption des Conventions de Genève en 1949 ont conclu à la culpabilité des accusés pour n’avoir pas accordé un procès équitable à des prisonniers de guerre ou à des civils
[1]. Le droit à un procès équitable figure dans les quatre Conventions de Genève ainsi que dans les Protocoles additionnels I et II
[2]. Le fait de priver une personne protégée de son droit d’être jugée régulièrement et impartialement constitue une infraction grave selon les IIIe et IVe Conventions de Genève ainsi qu’aux termes du Protocole additionnel I
[3]. L’article 3 commun aux Conventions de Genève interdit de prononcer des condamnations et de procéder à des exécutions sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué
[4]. Le fait de priver une personne de son droit d’être jugée régulièrement et impartialement est défini comme un crime de guerre dans les Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone
[5].
Le droit à un procès équitable est inscrit dans un nombre considérable de manuels militaires
[6]. Le fait de ne pas accorder un procès équitable constitue une infraction pénale dans la législation d’un très grand nombre d’États, applicable dans la plupart des cas dans les confits armés tant internationaux que non internationaux
[7]. Le droit à un procès équitable est aussi étayé par des déclarations officielles et par d’autres types de pratique en liaison avec les conflits armés non internationaux
[8]. Il existe en outre de la jurisprudence nationale qui montre qu’une violation de cette règle dans les conflits armés non internationaux représente un crime de guerre
[9].
Le droit à un procès équitable est aussi inclus dans les Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone pour les prévenus comparaissant devant eux
[10].
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention relative aux droits de l’enfant ainsi que les conventions régionales des droits de l’homme contiennent le droit à un procès équitable
[11]. Ce droit est aussi inscrit dans d’autres instruments internationaux
[12]. Dans son Observation générale sur l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité des Nations Unies pour les droits de l’homme a déclaré qu’il ne peut être dérogé aux «principes fondamentaux garantissant un procès équitable»
[13]. Cette conclusion est étayée par la pratique des organes régionaux des droits de l’homme
[14].
Tant le droit international humanitaire que le droit des droits de l’homme énumèrent une série de garanties judiciaires qui ont pour objet de garantir que les personnes accusées bénéficient d’un procès équitable.
Procès par un tribunal indépendant, impartial et régulièrement constitué
Selon l’article 3 commun aux Conventions de Genève, seul «un tribunal régulièrement constitué» peut juger une personne accusée
[15]. La IIIe Convention de Genève exige que les tribunaux qui jugent des prisonniers de guerre offrent les garanties essentielles d’«indépendance» et d’«impartialité»
[16]. Cette exigence figure aussi dans le Protocole additionnel II
[17]. Le Protocole additionnel I requiert un «tribunal impartial et régulièrement constitué»
[18].
Les exigences que les tribunaux soient indépendants, impartiaux et régulièrement constitués figurent dans un certain nombre de manuels militaires
[19]. Ces exigences sont aussi inscrites dans des législations nationales et sont étayées par des déclarations officielles et par la pratique rapportée
[20]. Plusieurs de ces sources soulignent le fait que ces principes ne peuvent être suspendus pendant des situations d’urgence
[21].
Alors que l’article 3 commun aux Conventions de Genève et l’article 75 du Protocole additionnel I exigent un tribunal «régulièrement constitué», les traités des droits de l’homme exigent un tribunal «compétent»
[22] ou un tribunal «établi par la loi»
[23]. Un tribunal est régulièrement constitué s’il a été établi et organisé conformément aux lois et aux procédures déjà en vigueur dans un pays.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention relative aux droits de l’enfant et les conventions régionales des droits de l’homme spécifient que pour qu’un procès soit équitable, il doit être conduit par un tribunal «indépendant» et «impartial»
[24]. Les exigences d’indépendance et d’impartialité se retrouvent aussi dans un certain nombre d’autres instruments internationaux
[25]. Tant le Comité des Nations Unies pour les droits de l’homme que la Commission interaméricaine des droits de l’homme ont indiqué qu’il ne peut en aucun cas être dérogé à l’exigence d’indépendance et d’impartialité des tribunaux
[26].
La signification de la notion de tribunal indépendant et impartial a été examinée dans la jurisprudence. Pour qu’il soit indépendant, un tribunal doit pouvoir remplir ses fonctions indépendamment de toute autre branche du gouvernement, en particulier de l’exécutif
[27]. Pour qu’il soit impartial, les juges qui le composent ne doivent pas nourrir d’idées préconçues au sujet de l’affaire dont ils sont saisis, ni agir de manière à favoriser les intérêts de l’une des parties
[28]. Outre cette exigence d’impartialité subjective, les organismes régionaux des droits de l’homme ont relevé qu’un tribunal doit aussi être impartial d’un point de vue objectif, c’est-à-dire qu’il doit offrir des garanties suffisantes pour exclure toute interrogation qui pourrait légitimement surgir quant à son impartialité
[29].
La nécessité de l’indépendance du judiciaire par rapport à l’exécutif, ainsi que l’exigence d’impartialité tant subjective qu’objective, font que dans un certain nombre de cas, on a jugé que des tribunaux militaires et des tribunaux spéciaux de sécurité ne répondaient pas aux critères d’indépendance et d’impartialité. Aucune de ces affaires n’a abouti à la conclusion que les tribunaux militaires violaient en soi ces exigences, mais elles ont toutes souligné le fait que les tribunaux militaires et les juridictions spéciales de sécurité devaient respecter les mêmes exigences d’indépendance et d’impartialité que les tribunaux civils
[30].
On notera en outre, dans ce contexte, que la IIIe Convention de Genève dispose que les prisonniers de guerre doivent être jugés par un tribunal militaire, à moins que la législation de la Puissance détentrice n’autorise expressément des tribunaux civils à juger un soldat de leur pays pour des infractions de même nature. Cette disposition est toutefois assortie de la condition suivante : «en aucun cas, un prisonnier de guerre ne sera traduit devant quelque tribunal que ce soit qui n’offrirait pas les garanties essentielles d’indépendance et d’impartialité»
[31].
Qui plus est, la IVe Convention de Genève dispose que la Puissance occupante peut déférer les personnes qui enfreignent les dispositions pénales qu’elle a promulguées «à ses tribunaux militaires, non politiques et régulièrement constitués, à condition que ceux-ci siègent dans le pays occupé. Les tribunaux de recours siégeront de préférence dans le pays occupé»
[32]. Les organismes régionaux des droits de l’homme ont cependant conclu que les procès de civils par des tribunaux militaires constituaient une violation du droit à être jugé par un tribunal indépendant et impartial
[33].
Présomption d’innocence
La présomption d’innocence est prévue par les Protocoles additionnels I et II
[34]. Elle figure aussi dans les Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, pour les prévenus qui comparaissent devant ces instances
[35].
La présomption d’innocence figure dans plusieurs manuels militaires et elle est inscrite dans la majorité, sinon la totalité, des législations nationales
[36]. Dans l’affaire
Ohashi, procès pour crimes de guerre en 1946, le juge militaire a insisté sur le fait que les juges ne devaient avoir aucune idée préconçue et que la cour devait s’assurer de la culpabilité de l’accusé
[37].
La présomption d’innocence est inscrite dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans la Convention relative aux droits de l’enfant et dans les conventions régionales relatives aux droits de l’homme
[38]. Elle figure aussi dans plusieurs autres instruments internationaux
[39]. Tant le Comité des Nations Unies pour les droits de l’homme que la Commission interaméricaine des droits de l’homme ont indiqué qu’il ne pouvait être dérogé au principe de la présomption d’innocence
[40].
La présomption d’innocence signifie que toute personne qui fait l’objet d’une procédure pénale doit être présumée non coupable de l’acte dont elle est accusée, jusqu’à preuve du contraire. Cela signifie que la preuve incombe à l’accusation, tandis que l’accusé doit avoir le bénéfice du doute
[41]. Cela signifie aussi que la culpabilité doit être démontrée conformément à une norme déterminée : «au-delà de tout doute raisonnable» (dans les pays de
common law) ou «selon l’intime conviction du juge des faits» (dans les pays de droit civil). En outre, tous les fonctionnaires traitant d’une affaire, ainsi que les autorités publiques, doivent s’abstenir de préjuger de l’issue d’un procès
[42]. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a conclu à la violation de la présomption d’innocence dans une affaire où un tribunal avait présumé la culpabilité des prévenus parce qu’ils avaient refusé de se défendre
[43].
Information sur la nature et la cause de l’accusation
L’obligation d’informer l’accusé de la nature et de la cause de l’accusation est inscrite dans les IIIe et IVe Conventions de Genève, ainsi que dans les Protocoles additionnels I et II.
[44] Cette obligation figure aussi dans les Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, pour les personnes comparaissant devant ces instances
[45].
L’obligation d’informer l’accusé de la nature et de la cause de l’accusation figure dans plusieurs manuels militaires et dans la majorité, sinon la totalité, des législations nationales
[46]. Cette obligation a été réaffirmée dans des procès pour crimes de guerre qui ont eu lieu après la Seconde Guerre mondiale
[47].
L’obligation d’informer l’accusé de la nature et de la cause de l’accusation est aussi contenue dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans la Convention relative aux droits de l’enfant et dans les Conventions européenne et américaine des droits de l’homme
[48]. La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a jugé que le respect de cette obligation était indispensable à la jouissance du droit à un procès équitable
[49]. Cette obligation figure aussi dans d’autres instruments internationaux
[50]. Tant le Comité des Nations Unies pour les droits de l’homme que la Commission interaméricaine des droits de l’homme ont indiqué que l’obligation d’informer l’accusé de la nature et de la cause de l’accusation ne pouvait faire l’objet d’aucune dérogation
[51].
La plupart des dispositions des traités précisent que les informations sur la nature et la cause de l’accusation doivent être communiquées au prévenu «sans délai» ou «sans retard», et que ces informations doivent lui être données dans une langue qu’il comprend
[52].
Droits et moyens nécessaires à la défense
L’exigence que tout prévenu dispose des droits et moyens nécessaires à sa défense est inscrite dans les quatre Conventions de Genève, ainsi que dans les Protocoles additionnels I et II
[53].
Cette exigence figure aussi dans un certain nombre de manuels militaires et dans la majorité, sinon la totalité, des législations nationales
[54].
Le droit à la défense est aussi inscrit dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et dans les conventions régionales des droits de l’homme
[55], ainsi que dans d’autres instruments internationaux
[56]. Le Comité des Nations Unies pour les droits de l’homme a indiqué que le droit d’un prévenu aux droits et moyens nécessaires à la défense ne pouvait faire l’objet d’aucune dérogation
[57]..
Ces diverses sources précisent que les droits et moyens nécessaires à la défense comprennent les éléments suivants :
i) Le droit de se défendre ou d’avoir l’assistance d’un défenseur de son choix. Le droit d’être assisté par un avocat était inscrit dans les Statuts des Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo
[58]. Ce droit est aussi prévu par les IIIe et IVe Conventions de Genève
[59]. Les Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone prévoient que les accusés qui comparaissent devant eux ont le droit d’assurer eux-mêmes leur défense ou de se faire assister par le défenseur de leur choix, et d’être informés de ce droit s’ils n’ont pas de défenseur
[60].
Le manquement à ce droit d’avoir l’assistance d’un défenseur de son choix — ou simplement un défenseur — a été l’un des motifs qui ont conduit à conclure, dans plusieurs procès pour crimes de guerre après la Seconde Guerre mondiale, que le droit à un procès équitable avait été violé
[61]. Dans une résolution sur la situation en matière de droits de l’homme en ex-Yougoslavie adoptée en 1996, la Commission des Nations Unies pour les droits de l’homme a demandé à la Croatie «d’engager énergiquement des poursuites contre les personnes soupçonnées d’avoir commis des violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, tout en garantissant à toutes les personnes soupçonnées de tels crimes les droits (…) à une représentation en justice»
[62].
Le droit à la défense, y compris le droit à avoir l’assistance d’un défenseur de son choix, figure aussi dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que dans les conventions régionales des droits de l’homme
[63]. La Commission interaméricaine des droits de l’homme a indiqué que le droit du prévenu d’être défendu par un avocat de son choix ne pouvait en aucun cas faire l’objet d’une dérogation
[64]. La jurisprudence en matière de droits de l’homme a précisé que cette exigence signifie qu’un prévenu ne peut pas être contraint à accepter l’avocat commis par le gouvernement
[65].
Les Conventions de Genève ne précisent pas à partir de quel moment une personne a droit à un avocat, mais elles indiquent qu’il doit être disponible non seulement pendant le procès, mais aussi avant celui-ci
[66]. L’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, adopté sans vote par l’Assemblée générale des Nations Unies, précise que la communication avec le conseil «ne peut être refusée pendant plus de quelques jours»
[67]. Les Principes de base relatifs au rôle du barreau précisent que cette communication doit se faire «en tout cas dans un délai de 48 heures à compter de [l’]arrestation ou de [la] mise en détention»
[68]. La nécessité d’avoir accès rapidement à un avocat avant le procès ainsi qu’à chaque étape importante du procès a été affirmée dans la jurisprudence du Comité des Nations Unies pour les droits de l’homme et des organismes régionaux des droits de l’homme
[69].
ii) Le droit à l’assistance d’un défenseur sans frais si l’intérêt de la justice l’exige. Ce droit est implicitement reconnu dans les IIIe et IVe Conventions de Genève
[70]. Il est prévu par les Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone.
[71] Le droit de bénéficier des services d’un défenseur sans frais si l’intérêt de la justice l’exige est aussi inscrit dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et dans les Conventions européenne et américaine des droits de l’homme
[72]. Ce droit est aussi contenu dans d’autres instruments internationaux
[73]. La Commission interaméricaine des droits de l’homme a indiqué que l’on ne pouvait en aucun cas déroger au droit à une aide juridictionnelle gratuite lorsque l’intérêt de la justice l’exige
[74]. Un certain nombre de critères ont été identifiés dans la jurisprudence en matière de droits de l’homme sur la base desquels il convient de déterminer si l’intérêt de la justice exige les services gratuits d’un avocat, en particulier la complexité de l’affaire, la gravité de l’infraction et la sévérité de la peine qu’encourt l’accusé
[75].
iii) Le droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de la défense. Les IIIe et IVe Conventions de Genève précisent que les moyens nécessaires à la défense comprennent un délai et des facilités suffisants avant le procès pour préparer la défense
[76].On retrouve cette exigence dans les Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone
[77].
Le droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de la défense est inscrit dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que dans les Conventions européenne et américaine des droits de l’homme
[78]. Il est aussi inclus dans d’autres instruments internationaux
[79]. La Commission interaméricaine des droits de l’homme a indiqué que l’on ne pouvait en aucune circonstance déroger à la nécessité de disposer du temps et des facilités nécessaires pour préparer la défense
[80].
Comme le précise l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies sans vote, ce droit exige que «toute personne détenue ou emprisonnée doit disposer du temps et des facilités nécessaires pour s’entretenir avec son avocat»
[81].
iv) Le droit de l’accusé de communiquer librement avec son avocat. Le droit du défenseur de rendre librement visite au prévenu est prévu par les IIIe et IVe Conventions de Genève
[82].Le droit du prévenu de communiquer librement avec son avocat est aussi inscrit dans les Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone
[83].
Le droit de l’accusé de communiquer librement avec son défenseur figure dans la Convention américaine relative aux droits de l’homme ainsi que dans d’autres instruments internationaux
[84]. Le Comité des Nations Unies pour les droits de l’homme ainsi que des organismes régionaux des droits de l’homme ont insisté sur l’importance du droit de l’accusé de communiquer librement avec son avocat pour bénéficier d’un procès équitable
[85].
L’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies sans vote, précise que «les entretiens entre la personne détenue ou emprisonnée et son avocat peuvent se dérouler à portée de la vue, mais non à portée de l’ouïe, d’un responsable de l’application des lois»
[86].
Être jugé sans retard excessif
Le droit d’être jugé sans retard excessif figure dans les IIIe et IVe Conventions de Genève
[87]. Il est aussi inscrit dans les Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone
[88].
Le droit d’être jugé sans retard excessif est inclus dans plusieurs manuels militaires et figure dans la majorité, sinon dans la totalité, des législations nationales
[89].
Le droit d’être jugé sans retard excessif (ou dans un délai raisonnable) figure dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans la Convention relative aux droits de l’enfant et dans les conventions régionales des droits de l’homme
[90], ainsi que dans d’autres instruments internationaux
[91].
La durée précise du délai n’est pas spécifiée dans les instruments; elle doit être jugée au cas par cas, en tenant compte de facteurs tels que la complexité de l’affaire, le comportement de l’accusé et la diligence dont font preuve les autorités
[92]. Les procédures soumises à cette exigence sont celles qui se déroulent entre le moment de la notification des chefs d’accusation et celui du jugement final sur le fond, y inclus les procédures en appel
[93].
Interrogation de témoins
Le droit de l’accusé d’interroger et de faire interroger des témoins est prévu par les IIIe et IVe Conventions de Genève et par le Protocole additionnel I
[94]. Ce droit est aussi défini par les Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone
[95].
Plusieurs manuels militaires contiennent ce droit, qui figure dans la majorité, sinon dans la totalité, des législations nationales
[96]. L’impossibilité d’interroger et de faire interroger des témoins à charge est l’un des motifs qui ont amené à conclure que le droit à un procès équitable avait été violé dans des procès pour crimes de guerre après la Seconde Guerre mondiale
[97].
Le droit d’interroger et de faire interroger les témoins est inscrit dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans la Convention relative aux droits de l’enfant et dans les Conventions européenne et américaine des droits de l’homme
[98]. La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ne stipule pas explicitement ce droit, mais la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a précisé qu’il faisait partie intégrante du droit à un procès équitable
[99]. Tant le Comité des Nations Unies pour les droits de l’homme que la Commission interaméricaine des droits de l’homme ont indiqué que le droit d’examiner et de faire examiner des témoins ne pouvait faire l’objet d’aucune dérogation
[100].
Assistance d’un interprète
Le droit de l’accusé d’être assisté par un interprète, s’il ne comprend pas la langue employée dans la procédure, est prévu par les IIIe et IVe Conventions de Genève
[101]. Il figure dans les Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone pour les prévenus comparaissant devant ces instances
[102].
Le droit de se faire assister d’un interprète si l’accusé ne comprend pas la langue employée dans la procédure est inscrit dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans la Convention relative aux droits de l’enfant et dans les Conventions européenne et américaine des droits de l’homme
[103]. La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ne stipule pas explicitement ce droit, mais la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a précisé qu’il faisait partie intégrante du droit à un procès équitable
[104]. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que ce droit comprenait l’obligation des autorités de faire traduire ou interpréter non seulement les déclarations orales, mais aussi les pièces utilisées comme éléments de preuve
[105].
Présence de l’accusé au procès
Les Protocoles additionnels I et II disposent que les accusés ont le droit d’être jugés en leur présence
[106]. Lors de la ratification des Protocoles additionnels, plusieurs États ont formulé une réserve à ce droit, en affirmant que cette disposition restait soumise au pouvoir d’un juge d’exclure l’accusé de la salle d’audience, dans des circonstances exceptionnelles, s’il trouble l’ordre à l’audience, empêchant par là le bon déroulement du procès
[107]. Le droit de l’accusé d’être présent à son procès figure dans les Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone
[108].
Le droit de l’accusé d’être présent à son procès est inscrit dans plusieurs manuels militaires et fait partie de la majorité, sinon de la totalité, des législations nationales
[109].
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et les Conventions européenne et américaine des droits de l’homme disposent que l’accusé a le droit d’être présent au procès
[110]. Le Comité des Nations Unies pour les droits de l’homme ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme ont déclaré qu’une audience
in absentia était possible dans les cas où l’État a effectivement fait connaître la tenue de l’audience et où le prévenu a choisi de ne pas comparaître
[111]. Le Comité comme la Cour ont aussi déclaré que le droit d’être présent s’applique aussi aux procédures en appel, si l’instance d’appel est amenée à connaître d’une affaire en fait et en droit, et pas seulement sur des points de droit
[112]. On constate cependant une tendance indéniable à l’encontre des procès par contumace, comme il ressort des Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, qui n’autorisent pas ce type de procédure
[113].
Forcer des personnes accusées de témoigner contre elles-mêmes ou de s’avouer coupables
L’interdiction de forcer des personnes accusées de témoigner contre elles-mêmes ou de s’avouer coupables est inscrite dans la IIIe Convention de Genève, ainsi que dans les Protocoles additionnels I et II
[114]. On la retrouve dans les Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone
[115].
Cette interdiction figure dans plusieurs manuels militaires et dans la majorité, sinon dans la totalité, des législations nationales
[116]. Dans l’affaire
Ward, en 1942, la Cour suprême des États-Unis a jugé que l’utilisation d’aveux obtenus par la contrainte constituait une violation des garanties d’une procédure régulière
[117].
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention relative aux droits de l’enfant et la Convention américaine relative aux droits de l’homme interdisent de forcer une personne accusée de témoigner contre elle-même ou de s’avouer coupable
[118]. On retrouve cette interdiction dans plusieurs autres instruments internationaux
[119]. Tant le Comité des Nations Unies pour les droits de l’homme que la Commission interaméricaine des droits de l’homme ont indiqué que l’interdiction de forcer des personnes accusées de témoigner contre elles-mêmes ou de s’avouer coupables ne pouvait faire l’objet d’aucune dérogation
[120].
Le Comité des Nations Unies pour les droits de l’homme a souligné que «la loi devrait stipuler que les éléments de preuve obtenus au moyen de pareilles méthodes ou de toute autre forme de contrainte sont absolument irrecevables»
[121]. La Convention des Nations Unies contre la torture dispose que les déclarations obtenues par la torture ne peuvent être invoquées comme élément de preuve dans une procédure
[122]. Ce principe est confirmé par la jurisprudence nationale et internationale
[123].
Publicité des débats
Les IIIe et IVe Conventions de Genève disposent que les représentants de la Puissance protectrice ont le droit d’assister aux débats sauf si ceux-ci doivent exceptionnellement avoir lieu à huis clos dans l’intérêt de la sécurité, tandis que le Protocole additionnel I affirme que le jugement doit être rendu publiquement
[124]. Les Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone contiennent aussi le principe selon lequel les audiences doivent être publiques, avec quelques exceptions strictement définies, et l’exigence que le jugement soit rendu publiquement
[125].
L’exigence de la publicité des débats figure dans plusieurs manuels militaires et elle est inscrite dans la majorité, sinon dans la totalité, des législations nationales
[126]. Dans le procès pour crimes de guerre de l’affaire
Altstötter et autres (The Justice Trial) en 1947, le Tribunal militaire des États-Unis à Nuremberg a conclu que le droit à un procès équitable avait été violé parce que les audiences s’étaient déroulées à huis clos et qu’aucun procès-verbal public n’avait été dressé
[127].
L’exigence que les audiences soient publiques et que le jugement soit prononcé publiquement — sauf dans les cas où la publicité nuirait aux intérêts de la justice — est inscrite dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ainsi que dans les Conventions européenne et américaine des droits de l’homme
[128]. Bien que le droit à la publicité des débats ne soit pas mentionné dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a déclaré que ce critère devait être respecté pour qu’un procès soit équitable
[129]. Le principe de la publicité des audiences figure aussi dans plusieurs autres instruments internationaux
[130].
Informer les personnes condamnées des voies de recours disponibles et des délais y afférents
Les IIIe et IVe Conventions de Genève ainsi que les deux Protocoles additionnels disposent que les personnes condamnées doivent être informées de leurs droits de recours, judiciaires et autres, ainsi que des délais dans lesquels ils doivent être exercés
[131]. L’article 106 de la IIIe Convention de Genève affirme que les personnes condamnées ont le droit de recourir en appel dans les mêmes conditions que les membres des forces armées de la Puissance détentrice
[132]. L’article 73 de la IVe Convention de Genève dispose qu’une personne condamnée a le droit d’utiliser les voies de recours prévues par la législation appliquée par le tribunal
[133].
Le Commentaire du CICR sur les Protocoles additionnels indique qu’au moment de l’adoption des Protocoles en 1977, trop rares étaient les législations internes prévoyant le droit de recours pour qu’il fût réaliste de faire de ce principe une exigence absolue, étant entendu toutefois que nul ne doive se voir dénier le droit d’utiliser les voies de recours lorsqu’elles existent
[134]. Depuis cette date, cependant, tant les législations internes que le droit international ont beaucoup évolué. La majorité des États sont aujourd’hui dotés de constitutions ou de législations qui prévoient le droit de recours, en particulier celles qui ont été adoptées ou amendées depuis l’adoption des Protocoles additionnels
[135]. En outre, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention relative aux droits de l’enfant et les conventions régionales des droits de l’homme prévoient tous le droit de recours devant une juridiction supérieure
[136]. La Commission interaméricaine des droits de l’homme a déclaré que le droit d’introduire un recours ne pouvait donner lieu à aucune dérogation et devait être garanti dans des situations de conflit armé non international
[137].
En conclusion, l’influence du droit des droits de l’homme sur cette question est telle que l’on peut considérer que le droit de recours proprement dit — et non pas seulement le droit d’être informé des voies de recours lorsqu’elles existent — est devenu une composante de base des droits à un procès équitable dans le contexte d’un conflit armé.
Non bis in idem
Les IIIe et IVe Conventions de Genève disposent qu’un prisonnier de guerre et un interné civil, respectivement, ne peuvent être punis qu’une seule fois à raison du même fait ou du même chef d’accusation
[138]. Le Protocole additionnel I stipule que nul ne peut être poursuivi ou puni par la même Partie pour une infraction ayant déjà fait l’objet d’un jugement définitif
[139]. On retrouve la même règle dans les Statuts de la Cour pénale internationale, des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et du Tribunal spécial pour la Sierra Leone
[140].
Le principe
non bis in idem figure aussi dans plusieurs manuels militaires ainsi que dans la législation de la majorité, sinon de la totalité des législations nationales
[141].
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention américaine relative aux droits de l’homme et le Protocole n° 7 de la Convention européenne des droits de l’homme incluent le principe
non bis in idem[142], que l’on trouve aussi dans d’autres instruments internationaux
[143].
Il convient de noter que le principe
non bis in idem n’interdit pas la réouverture d’un procès dans des circonstances exceptionnelles, et plusieurs États ont fait des réserves à cet effet au moment de ratifier le Protocole additionnel I
[144]. Le Comité des Nations Unies pour les droits de l’homme a déclaré que la plupart des États parties établissent une nette distinction entre la réouverture d’une affaire, justifiée par des circonstances exceptionnelles, et un nouveau procès, qu’interdit le principe
non bis in idem. Le Comité a jugé que ce principe n’excluait pas des poursuites pour la même infraction dans des États différents
[145]. Le Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l’homme prévoit qu’un procès peut être rouvert en cas de faits nouveaux ou de vice fondamental dans la procédure précédente qui sont de nature à affecter le jugement intervenu
[146].